A 47 ans, Wilfried SambaSambeligue est devenu,
le 1er janvier, le bâtonnier
de l'ordre des avocats du barreau de Grenoble. À peine
plus de dix ans après avoir
prêté serment. Comment cet
homme né au Congo-Brazza ville, arrivé en France à la
vingtaine et ancien juriste de
la CGT voit-il son mandat,
son barreau et ses confrères ?
-1 Comment décide-t-on de devenir bâtonnier ?
«Je suis entré au conseil de l'ordre quand Jean-Yves Balestas était bâtonnier. C'est lui qui m'a demandé de le rejoindre. Il m'a confié la présidence de la commission Droit social et mes pairs m'ont confié la responsabilité de l'association culturelle du barreau.
Je suis persuadé que l'on peut servir son barreau et ses confrères sans être au conseil de l'ordre. Mais, très vite, je me suis rendu compte que si l'on veut impulser une dynamique, il faut être bâtonnier. Si vous avez quelques ambit ions pour votre barreau et quelques idées, vous devez accéder à ce rôle. Si vous voulez donner une dynamique ou une orientation, il faut se présenter.»
Quelles sont les orientations que vous souhaitez donner ?
«Je fais un constat : notre barreau a doublé de volume en quelques années. Si le bassin d'emploi a un réel dynamisme, l'augmentation de l'activité économique de notre zone n'est pas exponentielle.
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L'activité d'avocat ne peut être renfermée sur elle-mêm e. Les avocats doivent intég rer des champs plus variés, ils doivent être les acteurs de la société. Nous devons aller à la reconquête de la société, tant pour les personnes que pour les entreprises, Nous devons gagner la confiance de la société. La confiance rie se donne pas, elle se mérite. »
- Cette ouverture sur la société, sur le monde de l'entreprise, passe-t-elle par une déréglementation de votre profession comme le propose Emmanuel Macron ?
« La profession d'avocat n'est pas une profession ordinaire. L'avocat porte des préoccupations qui ne sont pas banales. Et dans le champ des activités réglementées, il n'y a pas aussi ouverte que celle d'avocat.
Mais la loi Macron et l'idée d'une déréglementation de notre profession posent d'autres problèmes. L'avocat, c'est d'abord un conseil. Et le justiciable a besoin d'avoir des garanties qu'un statut particulier donne. Mais c'est un débat dont doivent se saisir les avocats. Soit on se saisit de ces questions et on voit avec les pouvoirs publics ce qu'il convient de faire ou ne pas faire. Soit on ne dit rien et la société nous impose ses changements. Nous avons les moyens de nous saisir de ces questions. »
- Pensez-vous que les avocats doivent s'emparer de certains sujets de société et être force de |
proposition notamment auprès des parlementaires pour faire évoluer les lois ?
« II faut être actif et pragmatique. Mais je pense que chacun doit rester dans son domaine. Ensuite, je vous rappelle que de nombreux parlementaires sont déjà avocats, ce qui n'empêche pas que certains textes ne vont pas toujours dans le bon sens. »
- Parlant du droit de la famille et notamment des divorces, le premier président près la cour d'appel de Grenoble suggère des allégements dans lesquels les avocats auraient plus de place pour désengorger les tribunaux. Qu'en pensez-vous ?
« Un état démocratique qui veut s'assumer donne les moyens à sa justice. On n'a pas vocation à se substituer au législateur ou au magistrat. Ce sont des choix de société et cela dépend de quelle démocratie on veut. Les avocats ne sont pas opposés aux modes alternatifs, mais la justice doit garder sa place. »
- Le mandat de bâtonnier dure deux ans. Quel bilan aimeriez vous tirer dans deux ans ?
« Deux ans, c'est long et c'est demain. Si je parvenais à renouer les liens de confiance entre la société civile et les avocats, je pense que j'aurais atteint mon objectif principal. L'image de l'avocat qui attend les clients dans son cabinet, c'est fini. II faut aller au contact de la société. »
Propos recueillis par Benoit BOUY et Fabrice MARGAILLAN |
L'INFO EN +
LE PREMIER BÂTONNIER D'ORIGINE AFRICAINE
« J'étais à la Conférence des cent (NDLR : rassemblement des bâtonniers des plus importants barreaux de France) et j'ai vu que j'étais le seul d'origine africaine. C'est une fierté . pour mon barreau, pas pour moi. Ils ont gommé mon apparence. Il faut vraiment être à Grenoble pour vivre ça ! Je suis fier de faire partie d'un barreau qui a été capable de positionner à sa tête quelqu'un d'origine étrangère et qui a un parcours atypique puisque j'ai tous mes diplômes de droit, mais je n'ai pas fait l'école d'avocat. Grenoble est un barreau d'avant-garde et d'avenir. »
Me Wilfried Samba-Sambeligue estime que les avocats doivent prendre leur place dans la société civile, et pas seulement dans les prétoires.« Si je parvenais à renouer les liens de confiance entre la société civile et les avocats, je pense que j'aurais atteint mon objectif principal », dit-il ainsi. |