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Un passé inquiétant à Nice, mais il est nommé au CSM (Conseil supérieur de la magistrature)
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http://www.liberation.fr/france-archive/1996/10/04/a-nice-une-affaire-de-garde-d-enfants-dechire-la-justice-des-magistrats-soupconnes-de-favoriser-la-m_184959

A Nice, une affaire de garde d'enfants déchire la justice. Des magistrats soupçonnés de favoriser la mère.

Par Alain LEAUTHIER — 4 octobre 1996 à 23:29 Nice envoyé spécial

Le palais de justice de Nice est en émoi: Philippe Alenda, le doyen des juges de Grasse, a décidé d'entendre un membre éminent du parquet, le substitut aux mineurs François Thévenot, afin qu'il s'explique sur son attitude dans l'affaire Kamal. Le dossier de la petite Lauriane Kamal, dont les parents se disputent la garde depuis des années, n'en finit pas d'empoisonner le petit monde judiciaire local. Malgré les protestations répétées de certains magistrats, les accusations de partialité portées contre eux par le père de l'enfant, aujourd'hui âgée de 6 ans, semblent se vérifier. Marie-Pierre Guyot, la mère de Lauriane, en a involontairement apporté la preuve au cours d'une brève cavale au début de l'année. Le 29 février, prenant le contre-pied de tous ses collègues niçois, la juge des enfants de Grasse, Marie-Agnès Murciano, rendait une ordonnance défavorable à la mère et estimait nécessaire le placement de Lauriane dans un foyer. La mère ne s'est pas pliée à cette décision et a été mise en examen par le juge Alenda pour «non-représentation d'enfants», avant que la cour d'appel d'Aix-en-Provence ne lui redonne finalement la garde.

Entre le 1er et le 5 mars, alors qu'un avis de recherche avait été lancé contre elle, Marie-Pierre Guyot a joint à plusieurs reprises le domicile privé du substitut Thévenot, dont le munéro de téléphone figurait en liste rouge. Le 10 septembre, l'avocat de la famille Kamal, Me Yves Gabay, réclamait l'audition du magistrat, «justifiée par la fréquence et la longueur (plus d'une heure en tout, ndlr) des contacts téléphoniques». L'avocat veut connaître la nature des conversations mais aussi savoir pourquoi le substitut niçois n'a apparemment pas alerté sa hiérarchie de ses contacts avec la mère. D'autant que le 29 février, informée de la décision de la juge Murciano, Marie-Pierre Guyot avait téléphoné à Rome, depuis un café, au beau-père de ce même magistrat. Elle se trouvait alors en compagnie d'une amie que le barman de l'établissement a identifié sur photo comme une juge de Nice. Contraint d'ouvrir une enquête préliminaire sur ce point, le nouveau procureur Jean-Jacques Zirnhelt a classé l'affaire, satisfait des dénégations du magistrat concerné. Le juge Alenda lui réclame aujourd'hui les conclusions de cette enquête, qui aurait dû lui être transmise beaucoup plus tôt. Evidemment, le clan du père voit dans ces indices les preuves de relations coupables entre la mère et certains magistrats. Le substitut Thévenot n'est pas étranger au dossier. Après avoir pris des décisions défavorables au père, Karim Kamal, il s'est retourné contre son premier défenseur, Me Miguel Grattirola. Le 15 février 1995, ce jeune avocat s'était plaint dans un courrier au juge Rousseau d'être victime de l'acharnement de certains magistrats pour avoir rapporté les propos de Lauriane. Dans une série d'entretiens avec une psychologue franco-américaine, l'enfant évoquait des fêtes à caractère pédophile, citant des noms de magistrats ou d'avocats de la ville. Poursuivi pour outrages à l'instigation de l'ancien procureur de la République Paul-Louis Auméras, l'avocat a été condamné en appel à huit mois de prison avec sursis. Et à verser 1 franc de dommages et intérêts à François Thévenot, unique magistrat à avoir porté plainte en son nom propre. En fait, l'avocat poursuivi souhaitait obtenir l'analyse détaillée des appels passés au long des mois de février, mars et avril par Marie-Pierre Guyot, sa mère Pierrette Toche-Halbronn et François Thévenot lui-même. Il espérait ainsi repérer d'éventuelles complicités. «Hors saisine et attentatoire à la liberté individuelle», a répondu le juge de Grasse. En revanche, il a chargé les enquêteurs d'identifier un membre de la chancellerie que Marie-Pierre Guyot a joint sur sa ligne personnelle au ministère de la Justice. Le service concerné est celui de l'entraide judiciaire internationale. L'affaire dépasse effectivement le strict cadre hexagonal. Pour s'être rendu complice de l'enlèvement de Lauriane par sa mère aux Etats-Unis, malgré la décision contraire d'un juge californien, l'ancien procureur de Nice Auméras et plusieurs autres magistrats du tribunal font actuellement l'objet de poursuites outre-Atlantique .

Alain LEAUTHIER